samedi 11 avril 2015

Quelques aspects sous-estimées des révélations d'Eward Snowden sur la NSA

J'ai toujours été étonnée par l'incapacité d'une grande partie des gens à aller jusqu'au bout d'un raisonnement; puis j'ai compris que c'était principalement le conditionnement moderne qui empêchait cette démarche. Ici, je propose quelques pistes de réflexions : je n'énonce pas la vérité ultime, que j'ignore, mais je me comporte comme une scientifique (ou du moins, j'essaye). Je fais des hypothèses, et je vérifie si les l'expérience les confirme. C'est compliqué de le savoir. Mais je recherche surtout ce qui pourrait contredire les hypothèses de base.

Les révélations d'Edward Snowden sur la NSA et ses projets ont choqué ceux qui peuvent les comprendre vraiment (savoir par exemple, qu'ils ont placé des backdoors dans les équipements réseau est une chose, comprendre ce que ça implique est une autre chose), et seuls les plus paranos peuvent se vanter d'avoir déjà dénoncé cela il y a bien longtemps.

En ce qui me concerne, par exemple, j'ai été fort surprise. Je "savais" des choses. Mais c'était des rumeurs, même si elles provenaient de sources fiables. Je me demandais encore ce qui était la part du vrai et du faux, dans tout ce que j'avais lu et entendu. Je me trouvais parano, même. Je me disais : «Noëlle, tu tombes dans la théorie du complot, fais gaffe». J'ai découvert qu'en fait, j'étais encore bien naïve.

Pour tout dire, j'avais cru que personne de raisonnablement intelligent ne pourrait travailler à de tels projets. Pourtant, les exemples historiques ne manquaient pas. Einstein a participé (dans le détail, jusqu'à où, je n'en sais trop rien) à la mise au point de la bombe atomique. Sans l'aide des savants, les militaires et les bureaucrates sont déjà nuisibles et dangereux au-delà de ce qui est raisonnable pour la simple existence d'une communauté libre. Avec, leur pouvoir de nuisance et leur dangerosité sont décuplées.

Je pensais aussi, naïve vraiment, que leur incompétence nous protégeait. Tout faux ! Il ont su faire travailler des gens compétents pour eux.

Par contre, j'avais l'espoir fou que dans ce type de situation, quelqu'un finirait par parler. Par craquer. Ça s'est produit. Cet espoir est le seul auquel nous raccrocher : parmi tous les salauds qui collaborent, il s'en trouvera toujours un pour nous aider. Mais je ne voudrais pas arriver à la conclusion.

Toutes ces choses étant dites, je voudrais maintenant souligner quelques aspects de cette affaire, aspects dont on a assez peu parlé.

Premier aspect : quand l'État veut, il peut.

Et sa réciproque : quand l'État ne peut pas, c'est qu'il ne veut pas.

L'organisation étatique (et ce, quelque soit l'étiquette dont elle peut s'affubler) n'a pas pour but d'exercer le pouvoir : son but est de confisquer le pouvoir, pour laisser les mains libres aux grandes entreprises. L'État est continuellement présenté comme au bord de la faillite, misérable, les mains liées, etc. Sous la facade de l'impuissance (par exemple, l'échec patent de l'éducation nationale) se trouve en réalité des choix rationnels concernant ce qu'il faut faire (renflouer les banques, organiser l'immunité de son personnel, interdire des spectacles, etc.) et ne pas faire (toucher à la fraude fiscale, décentraliser, tenir compte de l'opinion...).

Deuxième aspect : les États se soutiennent les uns les autres, solidaires contre leurs peuples.

Quand j'ai entendu parler du fait que les USA espionnaient les dirigeants du monde entier, j'ai bien compris que ceux-ci, en général, se sentaient trahis. Quoi ! Ils avaient donc léché les bottes des USA pendant si longtemps pour ça ? Pour s'apercevoir qu'ils n'étaient même pas des alliés mais juste des larbins ? Et pire (parce que je pense qu'à part être complètement attardés, ils étaient bien conscients d'être des larbins), que ce soit exposé en place publique ! Au vu et au su de la population ! Mais les larbins peuvent être trahis encore et encore, en fin de compte, ils retournent toujours chez leur maître. Dans le système carcéral mondial, ils  préfèrent être des matons que des prisonniers.

Troisième aspect : La démocratie ou la liberté n'est en rien utile au capitalisme. Au contraire, c'est plutôt un handicap.

Ce que nous avons vu ici assez clairement, c'est un État qui a décidé de contrôler massivement le monde mais aussi sa propre population. L'objectif : la protection des intérêts américains partout dans le monde. Par "intérêts américains" il faut comprendre "intérêts de américains les plus riches", bien sur.

Si vous voulez établir un régime compatible avec le capitalisme, le mieux, c'est une dictature. Mais ne croyez pas que c'est aussi simple ! La bonne vieille dictature à papa, c'est du passé. Par exemple, comble du ridicule : la Corée du Nord.

Si vous voulez qu'un dictature tienne sur le long terme, il faut savoir laisser aboyer les intellectuels. Dans un pays, vous avez la côte aussi longtemps que les intellectuels et les artistes sont libres de parler. Pas besoin de les contraindre à dire ceci ou chanter cela, non : laissez cette perte de temps aux dirigeants du KGB dans les années 70. Ne vous inquiétez pas, ils connaissent leur camp. Les artistes chanteront des chansons à l'eau de roses, les philosophes pondront des bouquins de 1000 pages incompréhensibles, et pendant ce temps, la population déprimée ira, selon ses moyens, en vacances dans un pays du tiers monde, au bistrot du coin parier sur des chevaux, se jeter par la fenêtre du boulot. Dans une indifférence plus ou moins complète.

Certainement, certains désobéiront, certains artistes parleront de liberté, certains intellectuels, dans les milieux libertaires, tiendront des discours révoltés, mais c'est le prix à payer : lutter contre eux, c'est les renforcer. Les aider, au contraire, c'est les décrédibiliser. Démonstration faite avec Charlie Hebdo : comment un canard de libertoïdes épicuriens va motiver le pire système de surveillance jamais vu !

Il y aurait beaucoup à dire sur cet aspect particulier. Par exemple, le "piratage" des films et des albums porte préjudice aux artistes, d'une certaine manière. Que fait l'État ? D'après ce que je pense (mais qu'il est difficile de prouver formellement) je dirais qu'il dit une sorte de double jeu : d'un côté, il met en place une commission bureaucratique coûteuse  (hadopi) pour se donner le genre protecteur des arts. D'un autre, son arsenal de loi ridicules et volontairement surannées laisse les gens copier encore et encore : cherchez et lisez le jugement contre T411, vous allez bien rire.

Je ne suis pas pour la propriété intellectuelle, je la considère comme une simple aberration. Mais je pense qu'en agissant ainsi, l'État tient sous sa dépendance les artistes, qui comprennent bien que ce n'est pas le moment de la ramener ! Quelle ironie pour ces gens qui se vantent de ne pas dépendre d'un mécène, de devoir dépendre de l'État !

Quatrième aspect : vous ne pourrez pas lutter contre la mainmise de l'État... avec les outils de l'État.

Aujourd'hui l'État est indépassable : il est devenu aussi incontestable que la démocratie, alors même qu'il en est quasiment l'antithèse.

Seul moyen de contester la loi ? La voie légale. Autant dire, sortir le portefeuille !

Supplier vos députés (qui, comme je l'ai déjà expliqué, ne sont en rien vos représentants) pour qu'ils prennent partie contre l'État et pour vos intérêts ? Perte de temps. Ils se tamponnent de votre avis et ne vous considéreront que comme des ennuis à court terme. Vous savez la retraite confortable qui leur tends les bras, une fois qu'ils vous auront trahis pendant 5 ans ?

Manifester est une entreprise courageuse mais délicate. Quant à savoir si c'est utile : j'en doute fort.

La seule voie qui me semble viable est la création de réseaux locaux, se rassemblant régulièrement, abordant les problèmes du point de vue de ceux qui les subissent. Jusqu'à ce que ces réseaux soient suffisamment puissants pour donner de la voix, pousser au démantèlement  des structures coercitives.

Cinquième aspect : Si nous voulons qu'un Edward Snowden à la française se lève un jour pour nous aider, tenons nous prêts à l'aider.

Ce qui m'ennuie le plus, dans l'affaire Snowden, c'est que le gars est obligé de vivre en exil en Russie. Protégé par Poutine ! Vous croyez que ça va encourager le suivant ?

Il faudrait, je ne sais comment, trouver moyen de récompenser les lanceurs d'alerte qui nous protègent. Quand je dis que je ne sais pas comment, ce que je veux dire, c'est que je ne vois pas vraiment de moyens "légaux".

Conclusion : le temps presse...


... mais il presse déjà tant à de multiples endroits ! Faim dans le monde, conflits, climat, religions, pandémies, ... par où commencer ? Je continue à me poser la question. Il difficile de continuer à militer au jour le jour, face à tant de problèmes.

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