mercredi 1 février 2017

Les femmes et l'informatique, un exemple au cinéma

J'ai eu l'idée de cet article lors d'une discussion sur twitter. m'a fait suivre un lien intéressant, qui parle du fait que les femmes ont progressivement quitté le métier de l'informatique. L'article (en anglais) est consultable ici :
http://www.npr.org/sections/money/2014/10/21/357629765/when-women-stopped-coding

Sur le graphique, on voit un changement au début des années 80. L'article évoque "War Games" (un classique), et ça m'a fait penser à un film que j'aime bien, disons, un nanar que j'affectionne parce qu'il me rappelle mon "enfance" : Le Professionnel.

Les plus jeunes d'entre vous ne connaîtront sans doute pas ce film, qui date précisément de 1981. C'est pourtant un film important: Jean-Paul Belmondo en tant que premier rôle, (acteur français parmi les plus célèbres à ce moment), succès commercial de 5,2 millions d'entrées, et une musique d'Ennio Morricone. Le thème "Chi Mai", tout simplement magnifique, sera certifié disque d'or en single la même année. C'est donc un film dont on peut dire, peut-être sans exagérer, qu'il a marqué une génération.

Le plot, en deux mots, c'est un agent secret qui est en Afrique pour tuer un dictateur, il se fait prendre, condamner, la France l'abandonne, il finit pas s'évader, il revient, et il est pas, mais là, pas du tout content. (Pourtant je suppose qu'ils avaient du lui dire les trucs de d'habitude, vous savez, si vous êtes pris, etc. le département de la Défense niera avoir eu connaissance de vos actes, tout ça, tout ça.)

Une courte parenthèse, ce film c'est d'abord et avant tout la musique d'Ennio Morricone. Le thème est tout simplement magnifique.

Bref, alors ce type pas content envoie un télégramme chiffré à son chef. Et là, c'est un peu la panique. Ce qui va suivre est très révélateur des années 80, et pas là peine de faire comme si c'était au temps des dinosaures, les gens, j'étais née, alors.

Qui va déchiffrer ce fichu message ? Je vous le donne en cent, je vous le donne en mille : Alice.

Capitaine - Alice, tu m'as entendu ?
Alice - Oui, Édouard.
Capitaine - Tu rappliques tout de suite.
 Eh oui, parce que la mode du geek n'est pas encore arrivé en France, et taper sur un clavier, ben, même pour déchiffrer un message, c'est quand même un truc de dactylo.


Alice frime (elle a raison, je fais pareil)



Je résiste pas au plaisir de vous montrer l'interface. Ouais en temps-là c'était un vrai truc de nanas.


Bon au final, elle déchiffre le message. Spoiler : le type pas content est revenu, le président africain qu'il devait abattre est maintenant un copain de la France et il est même en visite officielle. Mais là, comme il est pas content, il a décidé de le dézinguer pour de bon.

Autant dire que ça ne convient pas du tout aux services secrets. Ils ne sont particulièrement réputés pour leur sens de l'humour, on le sait. Alors on appelle le colonel, puis le ministre. Et à l'époque pas de téléphone portable, hein !

Le ministre arrive et il est fatigué (on se demande bien de quoi, à l'époque ils devaient pas travailler beaucoup plus qu'aujourd'hui).

Et là, soudain.

Il demande... du café.


Le ministre, au colonel - Vous avez du café ?
Colonel - Bien sur (regard vers le capitaine)

Et là, vous devinez la suite ? Non ? Faîtes un effort, voyons.


Capitaine (avec un petit mouvement de la tête) : «Alice.»
Alice : «Tout de suite, monsieur le ministre.»
Qui est plus qualifiée pour faire fonctionner une machine à café qu'une spécialiste du déchiffrement qu'on a appelé pour venir travailler la nuit ? La question ne s'est même pas posée.

Dans les années qui vont suivre, les choses vont bien changer (au cinéma, en tout cas). On remarquera sans doute qu'aujourd'hui (au cinéma, et encore, pas tout le temps) on sera attentif à ne plus demander de café de cette manière. Mais remarquera-t-on que les femmes sont tenus à l'écart de l'informatique, de manière discrète mais ferme ? Il y a des exceptions, par exemple dans deux séries (il y a quelques années maintenant) NCIS et The Mentalist, pour ce que j'en ai vu, la spécialiste infosec de l'équipe était une femme.

Dans son livre sur la domination masculine, Bourdieu explique que le nombre de femme dans un métier était en rapport (plus ou moins) avec la valeur du métier au moment considéré. Par exemple, la féminisation d'un métier ira de pair avec sa dévalorisation. Or, dans les années 80-90, les informaticiens vont prendre beaucoup de valeur. Cela peut expliquer ce basculement, selon un processus inverse à celui que décrivait Bourdieu : plus de valeur, plus d'hommes.

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